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peintures -
" figures peintes, des humeurs
"
Comme
l'a souligné Willem De Kooning , " c'est bien absurde
de créer, aujourd'hui, une image comme celle du corps humain
avec de la peinture, c'est encore plus absurde de ne pas le faire
! "
Peindre des corps de femmes, c'est d'emblée s'inscrire
dans la continuité de l'histoire de l'Art. Je mets les
mains dans cette vieille pâte archaïque, qui consiste
à parler du monde en peignant l'intime.
Alors
je peins des femmes. Je suis peintre. Et je suis femme.
La réalité de tout artiste intervient bien sûr
dans le 'faire' au cur même de la toile. Et assurément
mon travail se nourrit de ce que je suis, de ce que je ressens,
mais il n'est pas mon corps.
C'est l'espace toile qui est espace intérieur.
Parler
du moi et non plus se contenter de le représenter. Fuir
l'anecdote. Mon travail ne s'attarde pas sur la représentation
fidèle du corps dans son intégrité. Ce refus
latent de conformité aux codes esthétiques interroge
la notion de 'normalité', mais " il semble que cette
voie de la monstruosité, (
) est un des moyens extrêmes
offerts à une femme pour affirmer son existence (
)
"*
Reste alors l'individu, brut, sans aucune parure. Impudique ?
L'image proposée est surtout déstabilisante, désécurisante
; la dérision opposée à l'idée du
beau, du respect des formes, ne laisse pas indifférent.
Le dialogue s'installe alors, entre le spectateur et la toile,
qui lui montre un corps désacralisé (qu'il accepte
ou refuse), et le renvoie à l'idée qu'il se fait
de son propre corps.
L'espace toile devient reflet intérieur (de celui qui regarde).
Parlons
peinture.
J'aime interroger l'écart entre la désarticulation
de la figure (mise en pièce), et l'altération de
ses contours (déformation). La violence fragmentaire et
désordonnée comprise au premier abord, devient construction
poétique. L' expressivité du geste agit comme un
moteur afin d'éliminer les habitudes, d'ouvrir l'acte de
peindre, ne plus préméditer. Pour prétendre
à une plus grande liberté, il faut savoir laisser
l'instinct prendre le dessus, ne pas chercher à fabriquer
du beau, ne pas trop peindre, savoir laisser le travail dans un
état d'inachèvement.
De
même que ces corps, blessés, infirmes, amputés
gardent en eux la mémoire (les traces) d'une existence
corrompue, de même la peinture garde en elle les traces
du travail en train de se faire (sur le corps de la toile).
Andréa
Leonelli 2006
*Clarisse
Nicoïdski romancière (ouvrages sur la peinture, des
monographies et une " Histoire des femmes peintres ").